Erigé en tour de Babel sonore, le duo Boogie Balagan, autoproclamé « palestisraëlien », expérimente avec humour et gouaille un rock-world déjanté à la sauce orientale. Entre les riffs à la tension blues et les atmosphères aux effluves psychédéliques, les langues s’entrechoquent, l’anglais, l’hébreu, l’arabe, le français, l’espagnol et le grec se télescopent sans complexe dans un souk méditerranéen qui aurait pu être revisité par Quentin Tarantino. Plus qu’une utopie musicale, ce joyeux bazar résonne comme une espérance et vibre comme une nouvelle terre promise… sans frontière.

Par sa magnifique voix d’alto et ses interprétations profondes, Carla Pires fait figure de nouvelle égérie du fado lisboète. Ses prestations scéniques empreintes de sensibilité et d’humanité plongent l’auditeur avec intensité au cœur d’un genre que certains ont appelé « les larmes de Lisbonne ». Ses chansons d’amour perdu et de destins non choisis charrient ainsi toute la mélancolie héritée de ses illustres aînés mais la jeune artiste portugaise est surtout parvenue à rénover l’approche du fado au travers d’arrangements jazz ou d’accompagnements plus rythmés. Par petites touches impressionnistes. Tout en finesse lusitanienne…

Issu d’une longue lignée de griots guinéens et initié aux traditions mandingues par le grand Maître Mbady Kouyaté, Ba Cissoko a révolutionné la pratique de la kora, cet instrument à cordes millénaire, en réinventant son jeu en profondeur. Le génie de Koundara s’est débarrassé des étiquettes, nourrissant au fil des tournées internationales son héritage musical par un groove bouillant et l’exaltation du funk, du rock ou des musiques sud-américaines. Une fusion généreuse qui, plus qu’une transgression, honore les traditions mandingues avec inspiration…

Un envoûtant électro-funk-rock chanté en Bambara allié à la démesure new-yorkaise mêlée de poésie Kamele’n Gonis traditionnels, le nouveau chapitre d’Electro-Bamako poursuit son excitante exploration sonore au centre du dance-floor. Décuplant la puissance musicale malienne par ses effluves rock et ses boucles survitaminées, le power trio Minelli-Sidibé-Traini gravit les cimes des transes électroniques africanisées. Furieusement futuriste et délicieusement virevoltant au gré des mélodies des N’Gonis, ces instruments à cordes d’Afrique de l’Ouest, et d’un timbre vocal perçant et lancinant. Visionnaire.

Cabotant des ports occitans jusqu’au Bosphore, la nef de Forabandit sillonne sur les flots enchanteurs des troubadours médiévaux et des asik anatoliens, ces poètes de l’amour courtois qui tissèrent de mille volutes harmoniques leurs chants profanes et sacrés, teintés de nuances protestataires. Soutenue par la puissante voix éraillée de Sam Karpienia et le timbre intimiste d’Ulas Özdemir nichés dans l’écrin percussif de Bijan Chemirani, cette rencontre fertile invite à la plus passionnée des traversées de Méditerranée, baignée par la figure sans âge du poète amoureux. Inspiré et lumineux.

En laborantin d’un exubérant cross-over méditerranéen, Temenik Electric s’applique à immerger les musiques du Maghreb dans le chaudron surchauffé du rock, de la pop et des sonorités digitales. Leur potion détonante fleure bon la puissance des transes orientales que ces alchimistes dynamiteurs auraient soigneusement pris soin d’épicer d’arômes blues, de groove peu farouche et de machines démoniaques. Dans ce bouillon de cultures, les langues arabe et française se tressent, conversent et dansent pour éclairer, in fine, cet électro-rock tellurique aux racines enfouies dans les deux rives de Méditerranée.

Rocío Márquez prouve avec grâce que le talent n’a pas d’âge : du haut de ses 24 ans, cette jeune cantaora dégage déjà la puissance de ces illustres ainés et fait preuve d’un incontestable don pour provoquer le duende. Ses arabesques vocales et son timbre d’une beauté troublante réussissent à rallier les tenants des traditions autant que les aficionados d’un cante plus ouvert. Par son expressivité et ses interprétations à fleur de peau notamment des palos anciens, ce joyau andalou montre que le flamenco demeure une source d’inspiration intarissable où se révèlent les âmes pures… Rocío Márquez y resplendit.